L’architecte designer Albert Angel signe à deux pas de la Madeleine la cinquième adresse parisienne de Kwerk, pensée comme un temple dédié au lieu de travail. Architecture d’exception, priorité donnée à l’espace, mobilier thérapeutique, service cinq étoiles, programme wellness, espace food, communauté enrichissante… Sept dimensions ont été définies pour créer l’environnement professionnel le plus inspirant. Portrait d’un visionnaire décidé à révolutionner nos vies de bureau.
« Quand nous parlons de bien-être au travail, les gens pensent tables de ping-pong et baby-foot. Pour nous, il s’agit de tout autre chose, que nous appelons le wellworking. » Spécialiste du hospitality design, Albert Angel, 45 ans, est convaincu que nous sommes à l’aube d’un nouveau rapport à notre environnement de travail. « En ces temps de crise sanitaire et de montée du télétravail, les employés n’ont plus envie de faire des heures de transports pour s’assoir à un bureau inconfortable et mal éclairé, analyse-t-il. Ils souhaitent évoluer dans un cadre apaisant et ressourçant. » La pandémie n’a fait qu’accélérer un changement d’aspiration global : « Les gens ne veulent plus se sacrifier au travail en vue d’une sécurité future. Ils veulent être heureux dès maintenant, en faisant ce qui a du sens pour eux. »
Alors que le Covid-19 contraint les entreprises à repenser l’aménagement de leurs locaux, Albert Angel a une longueur d’avance : depuis cinq ans, l’architecte designer n’a d’autre but que de concevoir les plus beaux bureaux du monde. L’entreprise qu’il a fondée en 2015 avec Lawrence Knights s’appelle Kwerk, transcription phonétique de quirk. En anglais, quirky signifie excentrique, différent, particulier. Pour le duo, l’innovation est une seconde nature. « Nous proposons des espaces pensés de A à Z pour le bien-être de ceux qui les occuperont », s’enthousiasme-t-il.
Leur nouvelle adresse parisienne, située au 22 boulevard Malesherbes dans le VIIIe, en est la meilleure démonstration. Soutenus depuis la naissance de Kwerk par Moïse Mitterrand, président du groupe BASSAC (anciennement Les Nouveaux Constructeurs), Albert Angel et Lawrence Knights ont pu y pousser encore plus loin leur vision. L’entrée majestueuse crée un reset qui recentre. L’architecture monumentale du lobby évoque un temple lointain. Les bureaux sont équipés d’un mobilier thérapeutique conçu pour respecter et entretenir le corps. Un centre de wellness permet de se détendre. Un bistro propose café et tisane ayurvédique. Destinés en priorité à une clientèle grands comptes, les espaces ont d’emblée séduit des groupes soucieux de la gestion de leurs ressources humaines. « Entretien, wifi, climatisation, outil de gestion des salles de réunion… notre prise en charge est totale, ce qui garantit d’une part la simplification du bilan financier et d’autre part la sérénité et donc l’efficacité des salariés », se félicite Albert Angel.
En tee-shirt et jeans noirs, bien dans ses baskets, cet entrepreneur pas comme les autres, yogi depuis quinze ans, dégage une douceur et une gentillesse rares. Après nous avoir expliqué l’intention de son dernier projet, il nous raconte son histoire. Elle permet de saisir à quel point ce qu’il fait aujourd’hui est l’aboutissement d’années de recherches.
Albert Angel naît et grandit à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo. La famille déménage souvent. Son père travaille dans le commerce de cacao et de café, mais c’est surtout son goût pour les aménagements intérieurs qu’il transmet à son fils. Dès l’âge de neuf ans, Albert dessine des maisons. Sa vocation naît là, entre un père passionné de décoration et une grande soeur qui deviendra sculptrice, dans une mégalopole qui le confronte très tôt à la pauvreté. « Dans la rue, je voyais l’injustice autour de moi, les gens démunis, le manque d’infrastructures. Je suis animé par un continuel besoin de réparation : j’ai toujours l’ambition de faire mieux. »
À douze ans, la famille s’installe à Cape Town, en Afrique du Sud. Il découvre une ville à l’architecture époustouflante, bâtie en harmonie avec la mer et la montagne toutes proches. Son diplôme universitaire en poche, il s’envole pour New York, s’initie au design des musées chez Ralph Appelbaum Associates, puis au concept d’environnement de marque auprès de l’architecte Lyndy Roy et des designers Bruce Mau et Marc Gobé. Ces rencontres lui permettent d’affiner ses goûts : son but n’est pas de construire des immeubles mais de penser des lieux qui marqueront la mémoire de ceux qui y vivent. « Contrairement à beaucoup de ses confrères, Albert place l’émotion au centre », résume Lawrence Knights. Passionné d’aviation, Albert passe ensuite trois ans chez le designer Walter Landor à repenser l’univers de Delta Airlines, avant de se tourner vers la restauration et surtout l’hôtellerie, son obsession.
Il crée une quinzaine d’établissements à Miami, à l’Île Maurice et surtout en Afrique – à Dakar, Abidjan, Kigali, Libreville… – pour la chaîne d’hôtels Onomo. Ses racines sont sur ce continent, où il revient régulièrement. « Les designers basés en Afrique regardent souvent vers l’Europe. Moi, je me suis formé là-bas, mais je n’y vis plus. Cela m’a amené à développer pour elle une forme de romantisme. »
En 2008, il rencontre Lawrence Knights, avec qui il est aujourd’hui marié. Leurs voyages fréquents les amènent à réfléchir à une nouvelle approche du coworking. « Nous souhaitions créer des lieux qui nous ressemblent, avec une priorité inédite accordée au bien-être. À l’époque nous passions beaucoup de temps à Bali, où il nous arrivait de faire un cours de yoga après une réunion. » Ils se sentent à des années-lumière des modèles existant déjà dans le secteur, à leurs yeux plus intéressés par la quête de rentabilité que par l’amélioration des conditions de travail de leurs clients.
Kwerk voit le jour en 2015. Loin de toute industrialisation, leur entreprise marque sa différence par sa volonté de personnalisation et son exigence. « Le bureau a toujours été le parent pauvre du design, observe Albert Angel. Il y avait beaucoup à faire. » Au-delà de leurs cinq adresses, les deux entrepreneurs souhaiteraient faire profiter le plus grand nombre de leur expérience. Ils songent à la création d’un label certifiant qu’un espace est wellworking et sont régulièrement approchés par des entreprises qui leur demandent de l’aide pour améliorer leurs propres locaux. Cela signifierait-il la fin de l’open space ? « Les entreprises continuent de vouloir maximiser leurs mètres carrés, tempère Albert Angel. Elles ne renonceront donc pas toujours à l’organisation en plateau, mais elles sont prêtes à tout changer autour. À l’ère des slasheurs, elles ont compris que les gens veulent pouvoir découper leurs journées de manière plus libre, s’isoler ou se réunir en fonction de leurs besoins. »
Alors que d’habitude un architecte livre son projet puis s’en va, Albert Angel a décidé, avec Kwerk, de devenir son propre client. « Le bailleur a longtemps été le roi de l’immeuble, remarque-t-il. Aujourd’hui, c’est l’utilisateur qui a le pouvoir. Il veut du service. » Conscient du changement de paradigme, il assure le suivi et ne cesse de procéder à des améliorations pour rendre les espaces toujours plus agréables et conviviaux. Son attachement à Kwerk dépasse toutefois le cadre professionnel. « C’est notre bébé », reconnaît-il. À lui la direction créative, à Lawrence Knights la présidence et la gestion. « Ici, je sens qu’il y a de l’amour », leur a un jour dit Cyril Aouizerate, cofondateur des hôtels Mama Shelter. Amour et travail, que rêver de mieux pour être heureux ?